Ironie Ironie
Ironie
Interrogation Critique et Ludique n°166 –
Janvier 2013
http://ironie.free.fr –
ISSN 1285-8544
IRONIE : 51, rue Boussingault -
75013 Paris
Blog Ironie : http://interrogationcritiqueludique.blogspot.fr
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Ex-voto
Inscription
murale rue de la Glacière à Paris – Mai 2012
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« L’abus de pouvoir est un
crime sans nom »
« Seul, tel quel, sans
personne à charge, solitaire »
« S’égarer est facile, et vastes sont ses voies.
Mais la voie du salut est comme un chas d’aiguille.
C’est une faille abrupte, un chemin si étroit
Que, pris dans ce goulot, les chevaux aguerris
N’y progressent qu’à coups de cravache et de cris. »
« Les religions
sacrées ? Le même égarement.
Toi, tu rêves tout haut de tulipe en ta plaine. »
al-Ma’arrî – Les Impératifs
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Les Impératifs
« Agir ou ne pas agir, il n’importe, le temps fuit
Et la main laisse choir ce que porte ses replis.
D’humaines silhouettes s’esquissent dans la nuit.
Lorsqu’une jeune nation se hisse, d’autres plient.
C’est à la poussière que les corps sont promis,
– Mais sais-je où l’âme ombreuse des morts est partie ? »
*
« Réveillez-vous, réveillez-vous, ô égarés !
Vos religions ne sont que des pièges, des rets
Tendus par quelque ancêtre. Ils ont voulu rafler
Des bribes de richesse, et ma foi, ils l’ont fait.
Ils ont péri. Mort à leur Loi illégitime !
Ils nous disaient : Le temps touche à son terme ultime
Et les jours pantelants, à bout de souffle, expirent.
Ils mentaient. Nul ne sait l’échéance à venir.
Ainsi, n’écoutez pas ces fieffés imposteurs.
Mais moi-même, comment jouirais-je de l’heure,
Quand la mort, je le sais, exerce sa créance ?
Gardez-vous de chacun, proches ou connaissances,
Et gardez votre esprit en éveil face aux leurres. »
al-Ma’arrî – Les Impératifs – XIe siècle (envoyé spécial d’Ironie au sud d’Alep)
***
FUGUES
« L’un des phénomènes les plus
extraordinaires concernant le musicien le plus extraordinaire de l’histoire
réside dans le fait que l’œuvre de cet homme, qui exerce aujourd’hui sur nous
un attrait quasi magnétique, et à l’aune de laquelle on peut mesurer l’ensemble
de la production musicale des deux derniers siècles, n’a eu absolument aucun
effet ni sur les musiciens ni sur le public de son époque. Et pourtant, rien
chez Bach ne correspond à l’image que nous nous faisons du génie méconnu, en
avance de beaucoup d’années sur son temps. Sans doute fut-il méconnu, mais
certainement pas parce qu’il était en avance sur son temps, et bien plutôt
parce que, selon l’horizon musical de l’époque, il paraissait se situer des
générations en arrière. Écrire des fugues telles que Bach les écrivait vers la
fin de sa vie devait sembler aussi démodé à son époque que de prétendre écrire
aujourd’hui des symphonies à la manière de Bruckner. De surcroît, au fur et à
mesure qu’il avançait en âge, Bach ne faisait aucun effort pour se réaligner
sur l’esprit de son temps, mais il se réfugiait au contraire dans ce qui dut
apparaître à ses contemporains comme une visite rétrospective à des âges certes
glorieux mais depuis longtemps révolus. Bach fut en vérité le plus grand
non-conformiste de l’histoire de la musique, l’un des exemples suprêmes d’une
conscience artistique indépendante qui se démarque du processus historique
collectif. »
Glenn Gould, 1962.
LE MUSICIEN PRÉFÉRÉ DE
GIACOMETTI
« Il existait un appareil moderne au
46 rue Hippolyte-Maindron : un tourne-disque. Dans la pièce contiguë à
l’atelier, Annette écoutait souvent des disques – de préférence l’Opéra et la
musique romantique […]. D’ordinaire Giacometti était trop concentré pour
écouter la musique, mais il lui arrivait aussi de crier, lorsque La Dame aux camélias ou le Voyage d’hiver lui portait sur les nerfs
déjà éprouvés par la difficulté du travail : “Annette ! Pourquoi ne
mets-tu pas plutôt Haendel ?” Haendel était son compositeur préféré.
Yanaihara rapporte : “Selon Giacometti, la musique de Haendel est la plus ouverte, tout à fait naturelle, sans
aucun artifice ni exagération. À côté de Haendel, la musique romantique à partir
de Beethoven est trop technique, subjective et artistique. La meilleure forme d’art est celle qui ne fait pas art. C’est pourquoi Giacometti aime
Goethe et Haendel mais qu’il leur préfère encore Homère et les chants
grégoriens.” »
Sachiko Natsume-Dubé, « Je
travaille comme une mouche », 2007.
UN
STEINWAY À L’ATELIER
« Bien que
Rodin eût “horreur des
théâtres”, comme Jeanne Russel s’en souvenait, elle et son père parvinrent à
l’emmener voir Tristan et Yseult à
l’Opéra [au printemps 1907]. Mais après le premier acte, il se leva et dit en
manière d’excuse : “Russell, il faut que je parte, je ne puis supporter
cette musique plus longtemps ; c’est comme vos gouffres de Belle-Ile,
c’est tellement beau que cela donne envie de mourir.”
Il vit assez souvent Jeanne Russel quand
il eut fait installer un Steinway rue de l’Université. Là, comme elle l’écrit
dans ses Mémoires, elle lui jouait “pendant des heures, Orphée, Alceste, Iphigénie, des sonates de Beethoven, de
Mozart, de Haydn et surtout du Bach.” »
Frederic V. Grunfeld, Rodin,
1988.
« JOUEZ-MOI
DU MOZART »
« Degas
n’était pas fermé aux beauté de Wagner, mais il ne lui plaisait pas de s’y
adonner. De même, pour toute la grande musique romantique allemande. Je l’ai
entendu dire à une jeune femme qui s’était mise au piano pour le distraire, et
qui entamait une sonate de Beethoven : “Quand j’entends du Beethoven, il me semble que je marche
seul dans un forêt chargé de toutes mes peines. Jouez-moi du Mozart ou du
Gluck.” De sa jeunesse napolitaine, il avait gardé le goût de l’ancienne
musique italienne. Encore mesurons-nous mal aujourd’hui le scandale que
faisaient en 1893 les trois chanteurs de Cimarosa. L’ancienne musique italienne
a été remise en honneur depuis une cinquantaine d’années. Son discrédit, aux
temps dont nous parlons, fascinés par le seul Wagner, était total. »
Daniel Halévy, Degas parle, 1960.
L’ENSEIGNEMENT DE LA PEINTURE
« Je
me souviens qu’après que Chardin m’eut appris que les plus humbles choses, une
nappe, un couteau, un poisson mort, peuvent avoir de la beauté, Véronèse
m’apprit que les belles choses ne sont pas exceptées de cette possibilité de
beauté et que l’or, les soieries, les pierreries, peuvent être belles comme le
couteau et la nappe. »
Lettre de Proust à
Madame de Pierrebourg, 1913.
IMMENSE
SURPRISE
« En vérité
mon apport aux lettres françaises a été je crois ceci : on le reconnaîtra
plus tard – rendre le langage français écrit plus sensible, plus émotif,
le désacadémiser, et ceci par le truc qui consiste (moins facile
qu’il y paraît) en un monologue d’intimité parlé mais TRANSPOSÉ – Cette
transposition immédiate spontanée voilà le hic. En réalité c’est le
retour à la poésie spontanée du sauvage. Le sauvage ne s’exprime pas sans
poésie, il ne peut pas. Le civilisé,
l’académisé, s’exprime en ingénieur, en architecte, en mécanisé, plus en homme
sensible. – Il s’est agi en réalité d’une petite révolution dans le genre de l’impressionnisme,
avant Manet on peignait en “jour d’atelier”, après Manet on peignait au grand jour, à
l’extérieur – Immense surprise – on retrouvait le chant des couleurs. »
Lettre de Céline à Milton Hindus, 15
mai 1947.
NAISSANCE
« Ne jamais être né est peut-être le plus grand bienfait. »
Sophocle, Œdipe à Colonne.
« Je ne connais pas d’autre grâce que celle d’être né. »
Isidore Ducasse, Poésies II.
VESTIGIA
PARVA
« Ce que je ne puis exprimer, je le montre au doigt :
Verum
animo satis haec vestigia parva sagaci
Sunt,
per quae possis cognoscere cetera tute. »
Montaigne, Essais.
Bel article sur Al-Maâri! Bravo!
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