Ironie Ironie
Ironie
Interrogation
Critique et Ludique n°153 – Février 2011
http://ironie.free.fr – ISSN 1285-8544
IRONIE :
51, rue Boussingault - 75013 Paris
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Sonder l’intime
Ponctions
du dévoilement. Théorie de l’oignon, pelure après pelure, l’espace se découvre
par bribes, par indices. Le voyant est projeté à l’intérieur et le plan, le
choix du détail, le renvoie vers l’extérieur. Le regard à la frontière.
L’appareil photographique est une sonde envoyée sur Vénus... Après la mère, la
vie comme une sieste. Indices indécis du réel, les instants saisis de
l’histoire de Caroline par Julien Magre porte à la fois le voile de la pudeur
et le désir de l’effraction érotique. Les chambres, les poses, les jeux, les
vacances, tenir le temps dans ses mains, appareil en prise surprise : tout mène
à faire un album en marge de la vie vécue qui ouvre à une narration. D’autres
histoires à inventer. Déclic, point de départ... Joie assumée, montrée et
voilée, comme cette lettre volée épinglée sur le papier peint la première
chambre. Chambre claire de l’amour. Il s’agit donc de trouver des légendes
comme des titres de nouvelles qu’il resterait à écrire, de jouer avec les
situations, d’interpréter les gestes entre aperçus.
2000-2003
Lit
d’automne – Spirales des souvenirs – Le temps en vrac – Ombre d’elle – Chambre
rouge – jouissance masquée du temps – Le rose est sans pourquoi – Jambes à
l’air – Les herbes folles – Baptême d’une baigneuse – Lieux interdits –
Annonciation – Un nouveau corps – Lettre volée de l’amant – Effraction de la
lumière – Les reflets du serment – Caroline du sud – Théâtre de la sieste –
Torsion flottante – Anniversaire – La piste du soleil – Réveil aux stores –
Musique du sommeil – L’attente vibrante – Femme à l’enfant.
2004-2006
Horizon
Méditerranée – Le bonheur du bain – Soudain, la pluie – L’ange du troisième
millénaire – La forêt de l’enfance – Je suis grande – Le vent mauvais –
L’albatros rouge – Le chemin des bois – Le masque de l’imaginaire – Vol blanc –
Cascade – Cyprès, si loin – Robe Maman – Déguiser, démaquiller – Devine – Bouge
pas – Palmiers sauvages – Feu d’artifice – Voir défiler – Les diamants de la
mer – Le cauchemar de la ceinture – Deux fleurs – MoNoM – L’enfant à l’édredon
– On n’y va – Le ciel effeuillé – Don de Dieu.
2007-2010
Deuxième
vie – Les culs nus – Bébé jungle – Je suis là – Mi ange Mi dé- mon – Au milieu
d’une forêt obscure – L’œil de mon ventre – Les secrets sucrés – Lit de mousses
– Remous – Plongée dans le vert vallon – Flâner.
Oui je le veux bien oui.
Photographier, c’est sonder l’intime.
Lionel
Dax – Eté 2010
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Julien Magre ou la Vie Tendre
Une
poétique du quotidien
Julien Magre nous donne à voir une
parcelle de sa vie, celle qu’il construit et reconstruit à travers son objectif
photographique. En photographiant sa compagne Caroline et ses filles Suzanne et
Louise, il documente son quotidien, et par là même le rend poétique. Les
photographies sont des moments de vie, volés au temps, volés à l’instant d’une
vie qui se disperse. Il en reste des bribes, des morceaux de tendresse, le
cadre d’un sourire ou d’un regard.
Ces moments captés donnent des images qui
sont bien souvent la traduction d’un instant d’entre-deux ou d’hiatus. En
effet, beaucoup de ces images travaillent le lieu du basculement entre la
veille et le sommeil, ce moment où les corps se relâchent et s’oublient.
C’est alors que le père ou l’amant — en
veilleur attentif — décide d’appuyer sur le déclencheur : des corps allongés, endormis
ou pensifs, des corps nus ou débraillés qui se donnent dans leur simplicité de
vie, des bribes de corps aussi, qui, tous se laissent capter dans des draps
défaits. La poésie réside dans ces moments éphémères qu’il faut parvenir à
traduire. Il s’agit aussi de mettre en scène cet incommensurable instant qui
est celui de l’enfance: les enfants vont grandir, leur blondeur se
transformera, mais les images vont finalement perdurer. Il y a ici une enfance
en acte, en jeu, dans des regards ou des sourires. Cependant, il ne faudrait
pas se tromper sur la nature de ces images et croire à un simple album de
famille dans lequel la photographie serait comme un passage obligé et
fondamentalement social. En réalité, Magre déjoue les codes de l’album de
famille au sens sociologique que lui donne la thèse de Pierre Bourdieu dans Un Art moyen puisque c’est dans son
ensemble que la série prend sens: c’est entre les images que du temps se
glisse, c’est entre les images que la tendresse s’universalise. Il n’y a pas
d’anecdote, mais bien plus la construction et le montage lacunaire dune vie.
Dans cette vie documentée, une figure
féminine est omniprésente, celle de Caroline, la femme qui donne son nom à
cette série. Ce qui étonne c’est qu’elle apparaît à la fois avec sérieux et
bienveillance : qu’elle regarde droit dans l’objectif ou qu’elle se détourne,
qu’elle apparaisse dans un miroir ou complètement bord cadre, elle reste
silencieuse. Elle semble vouloir garder cachée une intimité qu’elle finira par
dévoiler malgré elle. Elle est actrice de sa propre vie. Elle est là,
physiquement, et irradie toutes les images de sa présence absolument
irréductible. Ces images sont une déclaration d’amour à ce visage aimé.
Un
autoportrait de vie?
En regardant les images, comment ne pas
penser au photographe? Cet homme qui fait le portrait de sa vie — son
autoportrait au sens fort du terme — mais qui pour autant n’apparaît nulle part
directement. Un autoportrait sans visage, voilà ce que le photographe donne ici
à voir. Mais c’est peut-être plus complexe que cela: l’autoportrait serait à
chercher dans ce miroir qu’il tend à sa propre vie, ce miroir qu’il promène
dans son quotidien. L’autoportrait c’est ici un autoportrait du regard: le
photographe apparaît dans le regard de cette famille qui, finalement, lui
renvoie la plus sincère et intime représentation.
Julien Magre photographie sa vie,
cartographie son quotidien et les instants qu’il passe avec sa famille, tout en
réinventant cette vie. Ces images sont autobiographiques certes, mais on
pourrait dire que le fait même de photographier sa vie revient à la mettre en
fiction, à l’élargir. C’est comme si la vie était amplifiée, c’est-à-dire
rendue plus intense et plus riche par l’intervention du medium photographique.
Cette amplification, c’est la mise en littérature de sa propre vie, la
fictionnalisation d’instants arrachés à la banalité. En photographiant sa vie,
Magre lui donne une multiplicité de sens, il l’ouvre sur des possibles, et sur
l’imaginaire.
Les images nous introduisent avec
tendresse dans une vie rêvée.
Léa Bismuth, critique d’art, novembre
2010
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Caroline
Histoire Numéro Deux
Julien Magre
Filigrane Editions – 2010
Site
de Julien Magre : www.julmagre.com
Textes autour du livre : www.filigranes.com/publish/presse/83/05lvptkr91.pdf
Dans le cadre de l'EXPOSITION "Cinq étranges albums de famille"
au BAL,
6 photos tirées du livre "Caroline, histoire n°2" sont exposées
au BAL café, du 14 janvier au 17 avril 2011.
Le livre est disponible également à la librairie du BAL / LE BAL - 6
impasse de la Défense - 75018 Paris
« Julien
Magre a commencé à photographier sa femme, Caroline, en 2000 puis ses deux
enfants, Louise, à partir de 2004, et Suzanne, depuis 2007. Chronologique, le
livre se lit comme un album de famille.
Son univers mêle l’extraordinaire à l’ordinaire sans conflit, avec une
douceur mélancolique... un peu comme si chaque arrêt sur image pouvait nous
donner, paradoxalement, le sentiment intime et perturbant du temps qui fuit...
Ses photos ne capturent rien, n'emprisonnent rien, ne figent rien : elles
libèrent simplement l’instant de toute attente esthétique, stylistique, et même
presque, photographique, pour simplement le laisser exister dans un cadre qui
est celui du regard. »
Violaine Bellet
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